Les balances romaines

Principe

Balance à fléau simple, à bras inégaux où la charge est équilibrée par le déplacement d'un poids curseur le long d'un bras gradué (en coches équidistantes) et pouvant être à une ou deux portées (dites alors "fort" et "faible"). Dans ce dernier cas, les romaines sont pourvues de deux appareillages de suspension (positionnés selon des bras de levier différents) et la permutation se fait par retournement du fléau, le crochet de charge pouvant passer d'un côté à l'autre en enfourchant la tête de la balance.

Apparition

Les balances romaines auraient été inventées (à partir dans le monde latin vers le deuxième siècle avant JC en Campanie et les Romains l'ont désignée sous le nom de statera. De nombreux exemplaires en bronze sont parvenus jusqu'à nous, notamment de beaux modèles à bassin soutenu par quatre chaînes tressées et à poids curseur figurant parfois une tête de divinité ou un animal. Mais la balance romaine était également connue en Chine avec une ancienneté qui remonterait environ à un millénaire avant notre ère selon certains auteurs. D'autres soutiennent qu'au Moyen Age cette balance est peut-être revenue en Occident via les Arabes et que son nom actuel ne proviendrait pas de son origine latine supposée mais en fait du mot arabe roûmanah (qui désignait le poids curseur, par similitude avec la forme du fruit du grenadier).

Principaux types, matériaux utilisés

Les modèles à deux portées (voire plus) sont connus dès l'Antiquité. La principale amélioration technique viendra au XVIIIe siècle par le décalage de couteaux pour rendre la balance oscillante. Le bronze est utilisé dans l'Antiquité, ensuite le fer forgé prédomine sur le bois et au XIXe siècle les techniques d'étirage et d'estampage du fer et de l'acier permettent d'améliorer la qualité de la production.

Réglementation et admissions

Dès le Moyen Age les romaines étaient tenues en suspicion par les autorités en raison de multiples propriétés susceptibles de favoriser la fraude : changement ou altération du poids curseur, utilisation d'un crochet de suspension pour la charge, imprécision et ésotérisme de la graduation. L'avènement du Système métrique obligea à normaliser leur graduation et à les rendre oscillantes. Vers le milieu du XIXe siècle, ces nouvelles exigences réglementaires ainsi que les progrès de l'industrie entraînent un renouveau des romaines, pour lesquelles on décompte près de 50 admissions dont un grand nombre sont à fléau coulissant.

Aire géographique de diffusion

Ce type de balance, courant autour de la Méditerranée, au Moyen Orient et en Chine, semble avoir été connu de la plupart des civilisations de l'Ancien Monde et constitue donc un des instruments de pesage les plus répandus sur le globe.

Domaines d'utilisation

Pendant près de deux millénaires les balances romaines ont constitué l'unique instrument de pesage pour les très fortes charges (plusieurs milliers de livres). A l'opposé, pour les pesées moyennes, elles représentaient un instrument très prisé dans les commerces ambulants et dans le milieu rural (petits modèles à fléau en bois tourné), en raison de l'absence de poids et par leur facilité de transport.

Quatre siècles de balances romaines en trois modèles...

Bassin constitué de plusieurs feuilles de métal battues, anneaux de suspension du bassin également forgés (longueur de chaque ~14 cm). Comme souvent au XVIIe siècle, le peson (captif) est surmonté d'une collerette de tarage et l'about est en volute. Date "1619" tracée à chaud, en cursives, sur une face du poids curseur. Sur une autre face, un écusson divisé en quartiers par une croix en relief.

Deux portées, à graduation nette mais peu précise, se lisant de droite à gauche :

Faible : 1 à 18 livres par ½ livre,

Fort : 15 à 80 livres par 1 livre.

Dim. : longueur fléau 66 cm ; haut. totale 82 cm ; diamètre bassin 21 cm.

La nature du travail de forge confirme l'ancienneté de cette romaine dont la plupart des pièces sont déformées, à cause soit d'une facture initiale assez grossière, soit d'un usage prolongé. Des modèles similaires, de provenance attestée, auraient été utilisés pour la pesée des fromages en montagne.

Romaine Savoyarde
Grande Romaine de boucher

Grand modèle à deux portées ; les crochets "carrés" et le poids curseur de forme balustrée sont caractéristiques de la Provence et du Languedoc aux XVIIIe et XIXe siècles. Divers poinçons (voir dessins) permettent d'identifier la ville de Montpellier comme provenance.

Portée : Faible : 35 à 190 livres par ½ livre,
Fort : 175 à 600 livres par 1 livre.

Graduation nette, profondément insculpée.

Dim. : longueur 136 cm ; hauteur totale 48 cm.

Cette romaine présente un intérêt métrologique indéniable en raison de sa portée élevée, de son origine, de sa datation (1751) et de son intégrité (caractéristiques attestées par les marques et poinçons sur le poids curseur et le monogramme "CB" identique sur la tête du fléau). L'étalonnage, dans les limites de précision permises, donne une livre à 413 g, très proche de la valeur 414 g habituellement retenue pour la livre "poids de table" de Montpellier au XVIIIe siècle.

Contrepoids, poids curseur (hectos) et about en laiton, le reste en acier. Une seule portée, de 0 à 150 kg, graduation par ½ kg sur le grand bras et de 0 à 5 par 1 hg sur la réglette. Marquage à l'extrémité du fléau "P. DECIMAL", "TAL (ICHET ?)" et "BRE (VETE ?)", (marque à demi effacée, disposée "en amande"), poinçon de vérification première "à la bonne foi".

Dim. : longueur 96 cm ; hauteur. totale 39 cm.

Romaine quasi identique (exceptées les formes de contrepoids) au modèle représenté sur l'admission du 15 janvier 1881 au profit du constructeur stéphanois HEURTIER.

Romaine à fléau coulissant